mdby……NOELIA / NOUMENOW

J’ai rejoint Noelia à Madrid, c’était une rencontre fantastique, et où on s’est rendu compte que l’on avait beaucoup de choses en commun, pendant des heures on a que fait parler de son travail et de MDBY. Ces types de rencontres sont les meilleurs quand on vient faire un entretient.

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Noelia, tu travailles seule, tu lis seule, tu imagines tes créations seule, tu écris toute seule… tu est dans ta bulle. Comment fais-tu dans le monde d’aujourd’hui étant différente?
Oui. Cependant, j’adore ce que je fais. Il y a certains préjudices qui existent contre les “souffrants”, comme si ce dernier était un signe de faiblesse. De mon côté, celui-ci a toujours était un signe de force. Depuis que je suis toute petite, je distingue tout ce que j’aime faire de tout ce qui m’est facile à faire. Je pense avoir choisi le plus difficile. C’est vrai que j’aime beaucoup l’Art pour ce qu’il est et comment il se transcrit dans d’autres domaines (littérature, philosophie, photographie), je crois avoir en moi une compétence innée. Cependant, cela à toujours été un défi et donc forcément accompagné de risques. Parfois on gagne, parfois on perd. J’ai aussi des prédilections (mentionnant Milan Kundera, une de mes écrivaines “fétiche”, dans son livre “L’Insoutenable Légèreté de l’être”) ; on ne peut pas avoir peur d’une expérience avant de l’avoir vécue. Je conçois l’Art comme un jeu. Donc, dans celui-ci, on pari ses cartes. Basé sur les connaissances que l’on acquis au long d’une vie, avec du temps et de l’expérience, je suppose que l’on améliore ses stratégies de vie. Le sentiment de bonheur de la réussite est comparable a celui de la détresse lorsqu’on est perdu. Les deux pour moi sont nécessaires dans la création. Alors oui, je souffre souvent, mais en même temps je gagne, grâce à ça!

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Tu as toujours dessiné sur du papier, as-tu déjà pensé à utiliser un autre type de support?
J’aimerais bien utiliser le textile. Une partie de mon travail mélange le fil à coudre avec d’autres technologies. Cependant, je n’ai aucun entrainement dans le design de motifs. Dans un future proche, j’adorerai pouvoir adapter mon travail sur papier a un travail sur du textile, en générant une nouvelle pièce qui est entre le matériel et l’immatériel du “produit”, par exemple. Ça serait bien de créer une nouvelle pièce dans laquelle les éléments plastiques et le textile interagissent en créant un nouveau langage. Non seulement dans la mode, mais aussi dans le design intérieur: canapés, fauteuils, rideaux… C’est un projet à faire sur le long terme; j’adorerai investiguer avec d’autres matières comme la céramique et le papier (je suis fan du papier peint estampillé).

Je crois comprendre ton concept de “fueguito” (petit feu), cependant j’aimerais bien savoir quel type de méthodologie ton professeur t’a conseillé par rapport à cette idée?
Quand Jesus Larranaga (faculté des beaux-arts, Universidad Complutense de Madrid) a su ce que mon concept voulait dire, il a créé une méthodologie spéciale pour mon travail. “Fueguito” est un sorte de désordre, le désespoir que l’on ressent après une expérience qui nous a chamboulé, les papillons dans le ventre, comme si il y avait un petit feu en toi. Une “méthodologie” n’était pas adéquate pour cela. Tout ce qui est relatif à la méthode, j’ai sous control dans un contexte d’ordre. Le “fueguito” apparait toujours par surprise, sans ordre ni control. En fin de compte, ai-je pu trouver un certain control dans son résultat? Ai-je trouvé une utilité aux cendres qui restent? Est-ce là ou le moment quand le “fueguito” diminué que j’ai trouvé la paix mentale nécessaire pour correspondre aux sentiments et de les matérialiser dans un travail plastique? Le “fueguito” était ma muse.

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Pourquoi questionnes-tu la signification de “fueguito” et pas “fuego” (feu) tout simplement? J’aimerais bien que tu nous expliques, j’en suis sure qu’il y a beaucoup de gens qui s’y identifieraient…
Parce que “fueguito” a un sens philosophique, analytique et mature (des concepts relatifs au monde d’adultes) et en même temps qui garde son sens infantile et naïf. Je pense que toute connaissance nait d’un sentiment de foi et qui ensuite se construit à partir d’une expérience corroborée. Je suis consciente que sémantiquement, le terme “fueguito” peut évoquer de l’ironie. Le diminutif “fueguito” (petit feu) de “fuego” (feu) prend implicitement un sens infantile, qui peut caché son sens émotionnel, anachronique, romantique. Cependant, je suis intéressée par cette première impression de se moquer de quelque chose d’aussi simple. La faculté de pouvoir lire entre les lignes implique du temps. Et le temps, pour moi, est la chose la plus précieuse. C’est la seule chose qu’on acquiert naturellement du fait d’être. Cela ne se tient pas a des discriminations raciaux, politiques, ou de n’importe quel caractère radical. Il n’est même pas subordonné à un contexte qui nous est étranger à nous-mêmes. Le temps c’est notre valeur d’échange, notre “monnaie naturelle” (pour pouvoir établir que quelque chose a de la valeur il faut d’abords en être conscient). Je cherche à donner cette même valeur à “fueguito”, de pouvoir atteindre cette valeur à travers une deuxième lecture. Je veux m’éloigner de son préjudice, d’aller plus loin, vers son essence, qui est réduit à quelque chose de simple comme la sensation de celle de vivre.
Chavela Vargas a dit: “A la fin, la tristesse vient de la mort lente des choses simple (…) et pour les choses simples c’est le temps qui les dévore”. “Fueguito” est aussi simple que la tendresse de l’enfance. Ceci fait cela avec les années, la simplicité du temps se fait dévoré par son importance qu’il prend dans notre vie de tous les jours. Et ceci parce que “fueguito” parle de la vie, de l’empathie, de son “chez soi”, j’ai envie de dire de l’amour aussi, compris dans le sens de l’étreinte, du refuge que l’on cherche chez l’autre, un havre de paix.

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Dans ton travail “l’appel des flammes”, tu fais une réinterprétation plastique des poèmes de Rocio Martinez, vous en pensez quoi du résultat? As-tu traversé des phases difficiles dans cette collaboration?
“L’appel des flammes” est un projet sous construction. Cependant, le désir de le commencer remonte à il y a déjà quelques années. La chose la plus difficile était de se plonger dedans et de montrer le travail de chacun en même temps que les relations entre chacun; la synchronisation réciproque entre nous. Sa poésie est pour moi très révélant.
Rocio: ” La seule chose qui est compliquée est de pouvoir coïncider avec les temps, c’est un projet qui avance surement mais doucement. L’idée est venue de Noelia et ça m’a paru tellement bien que je me suis encouragé à surmonter ma vanité et de plonger dans la piscine. On n’a pas de difficultés puisque on s’autorise une liberté totale. Noelia et moi, heureusement ou malheureusement, nous partageons une façon de ressentir les choses et c’est quelque chose très rare de trouver quelqu’un qui partage les mêmes sensations que toi. Chacune d’entre nous voit un miroir dans le travail de l’autre, avec ses dessins je me sens comme “compris”, ils m’aident à comprendre certaines choses et j’y trouve la consolation de la bonne compagnie. C’est pour ça qu’on ne se sentent pas limité par le travail de l’autre (elle peint lorsque j’écris), on sait qu’on essaye de dire la même chose, pour justement s’en débarrasser, et ça c’est plus que suffisant.”

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Tu te déshabille dans ton travail, en te montrant à nu, n’est pas difficile parfois? Surtout quand le temps défile et que tu regardes en arrière…
Cela n’est pas difficile, mais un exercice de courage. Et ça amène plus de satisfaction qu’autre chose. La partie difficile est au moment où tu décides de le faire.

Comment te différencies-tu par rapport au travail d’autres artistes?
Je pense ne pas pouvoir répondre à cette question moi-même. L’essence de l’Art c’est le besoin d’un spectateur. Le récipient de mon travail est celui qui le stipule. En tous cas, ici on est tous humain. Je suppose qu’il y a des artistes avec qui nos chemins se croiseront et d’autres non…

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Quoi veut dire le terme “artiste visuel”?
C’est quelqu’un qui créé une pièce que pour l’aspect visuel, c’est l’image elle-même. Je suppose que pour ceci, la motivation pour créer doit être la perception de ta propre vision des choses.

Y a t’il une certaine caractéristique ou une qualité spécial que tu crois qu’un artiste doit avoir?
Je crois qu’en faisant parti du processus de création, un artiste est quelqu’un qui est toujours en train de penser constamment, un penseur, un tâteur, et même un philosophe. Conditionné au besoin de créer, base sur sa propre évolution, en relation avec le visuel. Je ne comprends pas ces artistes qui ne pratiquent pas une autre profession dans leur vie de créatif. Si tu fais la même chose toute ta vie, à mon avis tu n’es pas un artiste mais un artisan.

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As-tu d’autres projets que tu aimerais bien développer?
Mon désir est de publier un livre avec tous mes constats et mes écris assemblé à mon travail visuel. Tu peux voir quelques exemples de cette idée sur mon blog.

Y a t’il un artiste avec lequel tu aimerais bien collaborer?
Oui, quelqu’un avec qui je pourrai avoir une empathie esthétique et personnelle, en dehors du contexte de travail. J’admire le travail de certains artistes, mais dont je ne peux pas comprendre de mon point de vue.

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Comment as-tu commencé à montrer ton travail? As-tu participé à des expositions, es-tu sorti dans un magazine?
En travaillant beaucoup et aillant confiance en moi quand je rencontre des gens. La confiance, c’était la clé quand j’osais montrer mon travail.

Y a t’il une de tes pièces qui te représente plus qu’une autre?
Ma première pièce. Elle fait parti de mon portfolio. C’était en 2009. Une peinture abstraite en utilisant plusieurs techniques. C’est un autoportrait “Cenizo”

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Quelle est la chose la plus difficile dans ton travail? Et qu’est-ce que tu préfères le plus?
J’ai une relation d’amour/haine avec les réseaux sociaux.

Ce que je préfère le plus c’est de ne pas savoir quel domaine de l’Art je préfère. C’est le jeu de l’Art. Qui n’aime pas jouer?

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En ayant ta relation avec le monde d’art aujourd’hui, qu’as-tu appris? Et qu’est-ce qui t’as surpris le plus?
J’ai appris que “l’intelligence émotionnel” est nécessaire dans le marché de l’Art courant. Grâce a ceci j’ai évolué, mais c’est aussi ce qui m’a surpris, et qui parfois me fruste.

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Comment te vois-tu d’ici 20 ans?
Comme une artiste, mais avec une profession en relation avec ce dernier (dans un domaine culturel, créatif et littéraire).

Quelle est la chose la plus surprenante ou gentille qu’on t’est dit par rapport à ton travail?
Quand quelqu’un achète une de tes pièces pour l’amener chez lui, dans son monde, son quotidien, le travail lui-même prend une autre dimension. Je dis toujours que mon travail est basé sur pleins de morceaux de ma vie. C’est pour cela que je ressens une sorte de libération quand je produis une pièce. Si cette portion de moi suit son propre chemin, d’une manière quelconque, c’est comme s’il y avait quelque chose de moi qui explorait des nouveaux lieux inattendues. C’est un plaisir que quelqu’un puisse me procurer ce luxe.

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18.07.14